Chronique : Outer Wilds

par | Sep 22, 2022 | 0 commentaires

Chronique : Outer Wilds

NB : L’auteur de cet article vous invite à écouter la bande-son du jeu en lisant, notamment le morceau ci-dessus. Une attention particulière a été portée sur le spoil, l’auteur estimant que moins on sait sur le jeu, mieux c’est.

Plateformes : PC (Epic Games), Xbox One

Date de sortie : 30 Mai 2019

Développement : Mobius Digital Games

Édition : Annapurna Interactive

Introduction

« Space is terrifying, but it has its moments. » nous confie un explorateur que l’on rencontre au cours du jeu. Et en ces quelques mots, il qualifie très bien la dualité de l’aventure spatiale proposée par Outer Wilds.

Dans ce jeu, il s’agit de se propulser vers l’inconnu. Explorer le système solaire qui s’offre à nous. Tenter de naviguer dans l’espace et les autres planètes du système solaire. Dépasser ses peurs et se jeter à corps perdu dans un univers dangereux où oxygène et gravité se font rares, où la mort guette le moindre faux pas : mal calculer sa trajectoire et finir dans le soleil, tomber à court d’oxygène au beau milieu de nulle part et s’étouffer… 

Et pourtant, on y va. On se jette, on prend son courage à deux mains et on décolle. La curiosité prend le dessus, l’appel de l’inconnu est plus fort : quelle est cette étrange lumière bleue que l’on aperçoit en se réveillant ? D’où vient cette fumée qui émane de la lune de notre planète natale ? Comment entre-t-on dans cette tour que l’on aperçoit au pôle d’une planète voisine ? Et c’est lorsqu’on lève le rideau sur ces énigmes que l’émerveillement prend place. Les fameux moments décrits par notre explorateur, un peu plus haut.

Ainsi, on oscille régulièrement entre la peur et la satisfaction de la découverte ; un contraste saisissant qui fait en partie la richesse d’Outer Wilds.

La soif de connaissance

Comme introduit plus haut, les mystères sont légions dans l’univers d’Outer Wilds : ils sont le moteur de son exploration. Ils attirent le regard dans le vide spatial, attisent la curiosité par leur caractère inconnu ou incongru. Ils sont cachés, difficiles d’accès, ou encore juste en face de nous, mais sans que nous n’ayons les clés pour les comprendre.

Cette réalisation faite, un jeu qui peut paraître vide au premier coup d’œil devient bien plus riche : n’importe où, n’importe quand, il est possible de faire une trouver quelque chose. C’est cette incertitude, ce potentiel qui nous poussent à fouiller le moindre recoin à la recherche d’indices, à observer et chercher à en apprendre plus sur le monde pour en comprendre les lois et fonctionnements.

Et justement, Outer Wilds nous abreuve d’informations sur l’univers. Par l’intermédiaire de conversations gravées sur les murs disséminés dans le monde, le savoir des Nomai, un peuple qui vivait autrefois dans notre système solaire, nous est transmis.  En déchiffrant leurs écrits, on fait des découvertes majeures pour notre propre espèce et nous-même. Un point noir s’éclaircit, la fonction réelle d’un bâtiment apparaît, l’accès vers un lieu caché se dévoile. 

Ainsi, c’est cette connaissance que l’on prend rapidement goût à chercher partout. Ce sont les travaux des Nomai – ce peuple si friand de savoir – qui nous permettent de comprendre l’univers. Outer Wilds mise complètement là-dessus pour nous pousser à continuer d’explorer son univers : on ne trouvera pas d’autres récompenses que l’extase d’une illumination ou la contemplation d’un paysage nouveau dans ce jeu – tout simplement parce qu’il n’y a pas besoin de plus.

Un puzzle spatial

Outer Wilds est aussi un open-world. Ainsi, une grande place à la liberté est accordée dans son exploration. Une fois à bord de notre vaisseau, on peut se rendre où bon nous semble, repartir, revenir… et récupérer une information sur telle ou telle planète à chaque voyage. 

Mais ce n’est, à mon sens, pas un choix anodin. Outer Wilds est construit comme une enquête, une forme de puzzle. Chaque voyage est une quête pour trouver la pièce qui s’ajoute à une précédente. On recherche des pistes, des indices, des lieux inexplorés, des témoignages laissés par les Nomai que l’on relie entre eux. Et petit à petit, les pièces s’imbriquent, se rejoignent, et on y voit plus clair : un objectif global se dégage et les mystères de l’univers du jeu se dévoilent. 

L’enquête peut partir de n’importe quelle piste et on peut en entamer plusieurs en parallèle, puisque cela aboutira sur la complétion du puzzle quoiqu’il arrive.

Cette construction en puzzle a selon moi un pouvoir très fort : dès le début, des énigmes se présentent à nous, et ce n’est qu’à force de nombreux voyages, de connexions entre des informations récoltées parfois au seuil de la mort, que l’on finit par les comprendre, les découvrir, les atteindre. 

On construit des attentes et de l’anticipation, et nos efforts se voient finalement récompensés lorsque la pièce manquante est placée et que tout devient clair. Le tableau se complète et forme un tout dans lequel chaque pièce a une importance qui sert un sens global. Tout en permettant une grande liberté, ce format en puzzle donne aussi beaucoup de poids à la fin du jeu. Celle-ci s’en retrouve alors très chargée de sens, empreinte de l’extase des découvertes finales.

Une réflexion sur le temps et l’univers

En progressant dans le jeu, on découvre aussi, peu à peu, des enjeux qui nous dépassent. Dans l’immensité de l’univers, nous ne sommes rien. Les joueur-se-s ont très peu d’impact sur le jeu et peuvent très bien décider de passer leur temps à déguster des marshmallows au coin du feu. Les planètes du système solaire continueront de tourner, le monde continuera d’évoluer. 

De plus, les seuls outils dont on dispose servent au déplacement et à la navigation. On ne peut rien construire, rien détruire, rien altérer ou presque. Seulement envoyer une sonde, s’éclairer, se propulser au moyen du jetpack. On incarne un explorateur : il ne s’agit pas de conquérir et exploiter l’espace, mais bien de le découvrir et d’en percer les secrets. On se positionne en tant qu’observateur et chercheur. Mais là encore, on se retrouve régulièrement soit face à des phénomènes inexplicables ou inatteignables, soit qui nous dépassent.

À cela s’ajoute que notre avatar est fragile. Il ne peut pas survivre dans l’espace sans oxygène, ses ressources sont limitées, une chute un peu trop violente ou le contact avec certaines substances provoquent une mort immédiate ou rapide, renforçant l’idée que sans ou avec nous, la vie continue. Nous sommes insignifiants, et tout ce que nous pouvons faire est d’observer, chercher à comprendre l’univers. 

Devant ce constat, Outer Wilds nous apporte aussi plusieurs réponses. On se voit peu à peu investi d’une mission qui nous rend spécial, et dont les enjeux dépassent notre simple personne pour concerner un système solaire tout entier. Et dans sa mécanique de boucle temporel (que je ne dévoilerai pas plus en détail pour vous laisser un maximum de contenu à découvrir), le jeu construit l’idée que la fin laisse toujours place à un nouveau départ.

L’univers implose et se recrée en continu, d’une façon unique à chaque fois, et c’est peut-être, finalement, la beauté de ce renouvellement qu’Outer Wilds nous propose de contempler.

 Florentin Peters